jeudi 20 novembre 2008

Nicholas Carr - The End of Corporate Computing

Bonjour à tous!
Pour mon premier message, je m'intéresse à un sujet dont j'entends parler depuis plusieurs semaines dans mes études (Mastère Spécialisé à HEC en Management des Systèmes d'Information et des Technologies) : le Cloud Computing.
Et voici un de mes travaux sur un article précurseur très connu de Nicholas Carr de 2005 (http://www.cs.sfu.ca/CC/301/cwa50/Readings/end_of_corporate_computing.pdf)

N. G. Carr a publié en 2005 dans le MIT Sloan Management Review un article s’intitulant The End of Corporate Computing et mettant en avant l’idée que le modèle fragmenté des technologies de l’information, où chaque société possède ses propres systèmes et environnement, va disparaître.

On peut rapprocher la transformation qui pourrait avoir lieu ces prochaines années dans les technologies de l’information avec l’évolution de l’électricité. Les entreprises, qui possédaient leurs propres usines privées pour se fournir en électricité, s’alimentent à présent en énergie en faisant appel à des fournisseurs distribuant de l’électricité. Ainsi, elles n’ont plus besoin de faire tourner une usine dédiée à cette tâche mais achètent simplement l’électricité qu’elles consomment : ce n’est plus une fonction propre à l’entreprise mais un service qu’on utilise. De la même façon, les technologies de l’information ne seront plus des biens, comme des ordinateurs ou des logiciels, que l’entreprise possède mais vont devenir un service à prix variable qu’elles achètent auprès de fournisseurs. En effet, une compagnie doit acheter différents composants pour utiliser une technologie particulière, les héberger sur le site, les fondre dans un système complet et engager du personnel spécialisé pour les maintenir. Cette fragmentation est très coûteuse pour les entreprises et c’est à cause de cette complexité que de grands fournisseurs de services peuvent intervenir et proposer aux entreprises de déplacer leurs technologies de l’information.

Ce nouveau modèle, où les fournisseurs prennent une place importante, est rendu possible par trois avancées en constante innovation permettant d’avoir une infrastructure unique et flexible : la virtualisation, le Grid Computing, et les services Web. Le paradigme résultant de ce nouveau modèle est composé de 3 types d’acteurs : les grandes compagnies qui auront les différentes ressources informatiques dans des usines et les distribueront ; les fabricants d’ordinateurs et de logiciels fournissant ces grandes compagnies ; et les opérateurs permettant d’avoir un réseau avec une communication des données et de faire fonctionner le système. Ainsi, un utilisateur d’une entreprise n’aura plus que les équipements nécessaires comme une imprimante ou un terminal client et des appareils permettant de transmettre et manipuler des données : il pourra se concentrer sur le cœur de son travail et pas sur la technologie employée.

Une nouvelle industrie va donc se dessiner et des entreprises vont se retrouver dans des positions problématiques : Microsoft, Dell, Oracle ou SAP ne vendront plus leur produits directement aux sociétés mais au nouvel acteur défini précédemment et qui distribue les ressources IT (ces derniers auront un plus grand pouvoir de négociation). On verra ainsi quatre grands gagnants émerger : les sociétés spécialistes dans le domaine du Hardware comme IBM, HP et SUN ; Vericenter, qui héberge des centres de données complets ; les sociétés orientées Web comme Google, Yahoo ou Amazon qui ont des réseaux d’ordinateurs sophistiqués ; et des startups avec de nouvelles stratégies.

Les barrières à ce modèle seraient purement culturelles et non technologiques et une fois l’acceptation faites de ce nouveau modèle, tout pourra être mis en œuvre pour transformer les technologies de l’information en un service de la même façon que l’on utilise l’électricité. Cette idée de transformation a soulevée énormément de réactions et H. A Marquis a publié un an plus tard une réponse à l’article de Carr, Finishing off IT, dans lequel il infirme la possibilité d’une transformation totale.

Marquis cite une théorie mettant en avant l’importance vitale que peut avoir une ressource pour une société et le risque que son absence provoquerait. Déjà, certaines entreprises font revenir des fonctions essentielles dans leur département informatique. Ce ne sont pas des actions isolées et les lois Gromm-Leach Bliley et Sarbanes-Oxley aux Etats-Unis compliquent les relations entre les entreprises et les sociétés d’outsourcing en amplifiant les mesures concernant la confidentialité, l’intégrité, les contrôles ou l’archivage des données – à noter que s’il y a faute, la conséquence retombe sur la compagnie qui externalise. Le gouvernement peut ainsi jouer un rôle important mais, au-delà, les sociétés comprennent que les tâches complexes, celles pouvant faire la force d’une entreprise, ne doivent pas être externalisées. Seules les tâches simples et n’apportant aucune valeur ajoutée doivent l’être.

Les technologies de l’information sont devenues vitales pour certaines entreprises et, pourtant, les directions s’impliquent rarement dans cette problématique qui peut devenir un réel avantage compétitif. Un autre modèle est donc proposé où l’entreprise comprend ce que les technologies de l’information peuvent apporter stratégiquement et lorsqu’elles ne sont pas gérées en silos mais sur toute la chaîne de prestation de service. On comprend donc que ce n’est pas un problème technologique mais un problème humain et de gestion des processus.

La solution ne serait peut-être donc pas une externalisation totale avec des fournisseurs de technologies de l’information mais partielle en gardant ce qui fait la force de l’entreprise et en réalignant leur organisation suivant une architecture horizontale et en correspondance avec tous les processus.

Remarques personnelles :

Nicholas Carr est très juste dans ses remarques sur la création de fournisseurs de technologies de l’information et les entreprises ont tout intérêt à utiliser en tant que service tout ce qui n’apporte aucune valeur ajoutée. C’est un véritable sujet d’actualité et beaucoup d’entreprises s’y intéressent, et commencent à développer et commercialiser de telles solutions de Cloud Computing : Amazon EC2, Google App Engine, … Il a continué à développer cette idée depuis maintenant trois ans et dans un dernier de ces derniers articles sur son blog, on sent que son idée à mûri. Il écrit, le 5 novembre 2008, un article intitulé « The new economics of computing – Are we missing the point about cloud computing ? » qui met en avant l’idée qu’il ne faut pas voir le Cloud Computing (ou “Utility Computing” - comme il préfère l’appeler) comme une alternative possible mais comme une nouvelle forme de traitement de l’information qui permet de réaliser des choses qu’il n’était pas possible de faire ou mal. Un exemple frappant est l’histoire du New York Times qui voulait mettre tous les articles depuis 1851 sur son site internet. Les journaux ont été scannés dans un format d’image peu pratique pour le web et l’idée était de rendre ces articles disponibles en PDF. Un ingénieur du Times a eu l’idée d’utiliser les services d’Amazon pour stocker de l’information (Amazon Simple Service Storage) et la traiter en louant de la capacité de traitement informatique (Amazon Elastic Compute Cloud). Il a ainsi écrit un programme qu’il a fait tourner sur 100 PC virutels d’Amazon pendant 24 heures pour transformer les images en 11 millions de documents PDF. Il n’a eu à payer que 240 dollars (10 centimes par heure/ordinateur pour 100 ordinateurs pendant 24 heures). Sans le service d’Amazon, cette opération aurait été très compliquée…

Son livre, « The Big Switch » sorti en 2008, reprend cette idée de « nouvelles possibilités offertes » et on voit que les enjeux deviennent très importants. Son livre a été commenté dans toute la presse – même celle grand public – et on a même pu le voir dans un talk-show américain reconnu. Il est d’ailleurs cité dans un long article de The Economist (A special report on Corporate IT – 25 Octobre 2008) qui présente toute la problématique liée à ce sujet et fait le lien avec d’autres importantes notions et assez proche : Software-as-a-Service, Hardware-as-a-Service, Service-Oriented Architecture ou Enterprise Ressource Planning. Les problématiques juridiques et politiques sont aussi évoquées permettant de mieux comprendre tous les tenants et les aboutissants de ces nouvelles possibilités.

Nous n’avons pas fini d’entendre parler du Cloud Computing…

Aucun commentaire: